Myopie : redéfinissons les contours

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7 avril 2022

Presque un jeune sur deux souffre de myopie. Non détectée, celle-ci peut entraîner de grandes difficultés, notamment scolaires, chez nos enfants. Rencontre avec le docteur Pierre-François Kaeser.

Presque un jeune sur deux souffre de myopie. Non détectée, celle-ci peut entraîner de grandes difficultés, notamment scolaires, chez nos enfants. Rencontre avec le docteur Pierre-François Kaeser.

Bientôt tous myopes ?  

La sonnette d’alarme est tirée. La prévalence de la myopie ne cesse d’augmenter. Les études européennes estiment que 40 à 50% des jeunes sont actuellement myopes. Une tendance encore plus marquée dans les pays asiatiques, avec plus de 80% de personnes atteintes.

En cause? «Cette augmentation n’est probablement pas liée à des facteurs génétiques mais à une modification de nos comportements», avise Pierre-François Kaeser, responsable de l’unité de strabologie et ophtalmologie pédiatrique à l’hôpital ophtalmique Jules-Gonin, à Lausanne (VD). En effet, nous passons de moins en moins de temps à l’extérieur et de plus en plus à l’intérieur. Et qui dit intérieur dit davantage de vision de près, bien souvent sur les écrans.

Selon l’étude JAMES (Jeunes, activités, médias – enquête Suisse), les jeunes Suisses passent près de cinq heures sur leur smartphone chaque jour durant le week-end et trois heures quotidiennement en semaine. «Comparé à la télévision par exemple, les smartphones ont des écrans bien plus petits, ce qui nous pousse inévitablement à les rapprocher de nos yeux pour agrandir le champ de vision», observe le docteur Kaeser, avant d’ajouter: «Cela a pour conséquence de surstimuler la vision de près et donc l’accommodation – la mise au point que notre œil fait lorsqu’il regarde de près –, ce qui aggrave la myopie.

De plus, toute période prolongée ininterrompue en vision de près aggrave le risque de progression de la myopie.» Dans ce contexte, l’enjeu est double: éviter l’apparition de la myopie d’une part et en limiter sa progression d’autre part.  

Les yeux des enfants

La myopie commune apparaît le plus souvent à l’âge scolaire, entre 7 et 12 ans. En effet, l’œil étant encore en croissance, il est particulièrement sensible aux facteurs qui peuvent l’influencer. Dans 90% des cas, le trouble visuel se stabilise aux alentours de 20 ans. La myopie, et le flou visuel à distance qu’elle engendre, apparaît de façon progressive.

L’enfant n’a pas forcément la notion de ce qui est normal ou non en termes de vision. Si la vision est asymétrique, il va compenser inconsciemment avec l’œil qui voit bien. Si les deux yeux voient flou, l’enfant myope va adopter toute sorte de comportements pour s’adapter à sa vision, par exemple en recopiant sur son camarade d’à côté s’il n’arrive pas à déchiffrer le tableau noir.

C’est pourquoi les troubles visuels sont souvent difficiles à déceler chez les petits. Mais quelles conséquences cela peut avoir? «Entraînant des difficultés de vision à distance, par exemple pour lire au tableau ou aux écrans multimédias, la myopie peut altérer le parcours scolaire, ce qui peut évidemment avoir un impact sur l’avenir de l’enfant. Pour permettre le bon développement du cerveau, il est important de détecter et corriger la myopie au plus juste, comme c’est le cas pour les autres troubles visuels», recommande le docteur Kaeser.

Afin de ne pas passer à côté d’un trouble visuel, vous pouvez tester vous-même la vue de votre enfant autour d’un exercice ludique: demandez-lui de se cacher un œil et de lire quelque chose au loin et comparez l’efficacité de ses deux yeux avec votre vue.  

Zoom sur l’hygiène de vue

Nous l’avons vu, de plus en plus de personnes sont sujettes à développer une myopie. D’autant plus que l’enfant de deux parents myopes a huit fois plus de chance de développer ce trouble visuel. Mais ne nous laissons pas démoraliser pour autant: il est possible d’agir! La question de la prévention est au cœur des études sur la prévalence du trouble visuel et il en ressort trois règles d’«hygiène de vue» à garder en tête pour limiter l’apparition ou la progression de la myopie. A vos cahiers!  

La première: passer le plus de temps possible à l’extérieur. «La composition et l’intensité de la lumière naturelle réduisent le risque de myopie, et diminuent probablement sa progression», explique le spécialiste, qui recommande de passer deux heures par jour en extérieur. Attention toutefois à ne pas oublier les lunettes de soleil lors d’expositions très intenses au soleil, comme à la montagne ou au bord de l’eau.  

La seconde règle: respecter une distance de lecture suffisante. «On l’aura compris, une activité trop importante en vision de près, comme la lecture ou le travail sur écran, sollicite beaucoup l’accommodation, ce qui peut péjorer la myopie». La distance minimale à maintenir devrait être de 30 à 40 cm, ce qui correspond schématiquement à la longueur de notre avant-bras.

La troisième et la dernière: la «règle des 20». Une vision de près trop prolongée aggrave la myopie; pensez à faire des pauses fréquentes. Pierre-François Kaeser souligne: «La règle des 20 est un moyen mnémotechnique de se rappeler que toutes les 20 minutes au maximum, il faut regarder par la fenêtre à plus de 20 mètres pendant 20 secondes.»  

L’importance d’une détection précoce  

Bien que l’on ne sache malheureusement pas arrêter la progression de la myopie, on peut la freiner. Si les règles d’«hygiène de vue» n’ont pas été suffisantes et que la myopie est apparue et continue d’augmenter, il existe des traitements pour freiner sa progression.

On retiendra deux options principales: l’instillation de gouttes ou l’orthokératologie. La première est une méthode que l’on peut appliquer dès l’âge de 4 ans environ. Rappelons qu’un œil myope est un œil trop long. De fait, l’image n’est plus focalisée sur la rétine mais en avant de celle-ci, et l’image transmise au cerveau par le nerf optique est floue. «Les gouttes contiennent de l’atropine très diluée, qui va agir sur la paroi de l’œil en la rigidifiant et donc, diminuer l’élongation du globe oculaire», décortique le docteur Kaeser.

Quant à la seconde option, l’orthokératologie, elle consiste à la mise en place de lentilles nocturnes. Celles-ci vont déformer la cornée de l’œil, ce qui engendrera deux effets: d’une part, la correction de la myopie pendant la journée (donc pas besoin de porter des lunettes au réveil) et d’autre part, ralentir la progression de la myopie. Attention toutefois avec cette méthode, qui comporte un risque d’infection oculaire, lié au port de lentilles. C’est pourquoi cette option est à envisager chez les enfants plus grands, et nécessite le respect de règles d’hygiène strictes.

«Il y a quelques années, nous entendions différentes hypothèses sur la manière de corriger la myopie, en particulier qu’il ne fallait pas la corriger totalement pour laisser travailler l’œil. Aujourd’hui, on le sait: on doit corriger la myopie complètement et précisément», conclut Pierre-François Kaeser. 

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