Ne jetez pas vos médicaments à la poubelle !
Les médicaments sont des produits chimiques. De ce fait, ils doivent être éliminés dans des conditions spécifiques, dans le but d’amoindrir les impacts négatifs sur l’environnement. Afin de comprendre les enjeux actuels et les bons gestes à adopter pour se débarrasser de ses médicaments non utilisés, nous avons rencontré Marie-José Barbalat, présidente de Pharmaciens Sans Frontières Suisse et pharmacienne à Unisanté. Interview.
pharmacieplus : Que faire avec les médicaments périmés ou les médicaments non utilisés ?
Marie-José Barbalat : Surtout, ne jetez pas vos médicaments à la poubelle. En effet, ceux-ci contiennent des principes actifs, qui doivent être éliminés d’une manière bien particulière. Pourtant, aujourd’hui encore, on retrouve beaucoup de médicaments (comprimés, gélules, solutions…) jetés dans les poubelles, les éviers ou les toilettes. Or, il s’agit de substances potentiellement toxiques et qui polluent l’environnement !
Il faut donc apporter ses médicaments non utilisés ou périmés à la pharmacie. Bien évidemment, on peut les rapporter dans n’importe quelle pharmacie, et pas uniquement dans celle où ils ont été achetés initialement.
Comment faut-il rapporter ses médicaments à la pharmacie ?
Dans un premier temps et afin d’aider les équipes en pharmacie, vous pouvez faire un premier triage chez vous : séparez les médicaments avec une date de péremption dépassée de ceux qui sont encore valables. Pour les médicaments expirés, retirez emballages et notices d’utilisation et jetez ces derniers au papier/carton. Pour les autres, laissez-les dans leur emballage d’origine. Une attention particulière doit être portée aux seringues et aiguilles souillées : il faut bien les conserver dans un contenant approprié afin qu’il n’y ait pas d’accident de piqûre. Pour ce qui est du matériel de soin (pansement, bandage, compresse), tout pourra être réutilisé au besoin, peu importe la date de péremption.
Qu’est-ce qui arrive aux médicaments une fois qu’ils ont été rapportés à la pharmacie ?
Si le tri a déjà été fait par le client, c’est un gain de temps précieux pour l’équipe en pharmacie. Si cela n’a pas été fait, le triage se fera à l’arrière de l’officine.
Tous les stupéfiants sont mis de côté et seront retournés au pharmacien cantonal. Les médicaments périmés ou déjà entamés seront jetés dans des poubelles spéciales, récupérés pour une élimination, séparément des déchets ordinaires.
Puis, pour les médicaments non utilisés, encore valables et en quantité suffisante, ils peuvent être réutilisés par des structures spéciales qui s’occupent des personnes en situation précaire en Suisse. Par exemple dans le canton de Vaud, nous travaillons avec le Point d’Eau Lausanne (PEL). Il s’agit d’un centre qui offre des prestations de santé (dentistes, médecins, infirmières) aux personnes, suisses ou étrangères, qui n’ont pas les moyens de se rendre chez un médecin ou à l’hôpital. Afin de pouvoir leur prodiguer des soins appropriés, le Point d’Eau dresse une liste des médicaments dont il aura besoin. Cette liste est communiquée aux pharmacies, qui si elles le désirent, trient les médicaments non utilisés rapportés par leurs clients, en fonction de cette liste. Ces médicaments sont ensuite récupérés par le PEL.
Avec la guerre en Ukraine notamment, nous avons vu que beaucoup de personnes ont voulu apporter de l’aide en collectant leurs médicaments pour les envoyer dans le pays, afin d’aider la population sur place. Que constatez-vous sur le terrain ?
Les gens veulent aider dans la plus grande bienveillance et envoient tout ce qu’ils peuvent envoyer. Or, dans la très grande majorité des cas, ces produits ne correspondent absolument pas aux besoins sur place, et ils sont donc inutiles. De plus, ce sont bien souvent des produits avec des dates de péremption très courtes, voire déjà dépassées. D’autre part, ces médicaments ne sont souvent pas connus des populations locales avec des noms et notices d’emballage rédigés dans des langues étrangères pour eux !
C’est un énorme problème de santé publique. Que ce soit dans une situation de guerre, de catastrophe naturelle, ou tout simplement dans des pays en voie de développement, envoyer ses médicaments n’engendre qu’une problématique supplémentaire à la situation de détresse existante. Les professionnels de la santé se retrouvent avec des tonnes de médicaments en très grande partie totalement inutiles, qui encombrent et qu’il faut détruire… souvent sans structure d’incinération adaptée. Cela engendre des coûts, de la pollution, et une grande perte de temps.
Que conseillez-vous si l’on souhaite tout de même apporter son aide ?
Il faut se renseigner auprès des ONG qui vont porter secours sur place et qui ont de l’expérience. La plupart du temps, la meilleure solution pour aider est une récolte d’argent pour ces ONG. Chaque pays a une liste des médicaments essentiels qui lui est propre. Les ONG vont s’approvisionner uniquement en médicaments d’urgence nécessaires, qui correspondent aux besoins du terrain. Dans le cas de Pharmaciens Sans Frontières Suisse par exemple, PSF va acheter les médicaments dans le pays en question, pour continuer à faire tourner autant que possible l’économie locale. Lorsque cela n’est pas possible, ils s’approvisionnent dans des pays voisins, afin d’éviter autant que possible le transport des médicaments ainsi que le passage des douanes et les problèmes sous-jacents.
Vos pharmaciens pharmacieplus ont été sensibilisés et travaillent activement avec des partenaires de confiance afin d’assurer un triage juste et optimal de vos médicaments.