Rêves d'urgence
Des soirées sous tension
Il est vingt-deux heures. On entend au loin les sirènes d’une ambulance s’approcher. A droite, un bébé en larmes dans les bras de son papa. Près de la fenêtre, un jeune enfant d’une dizaine d’années, le regard dans le vide. Il attend sagement avec sa maman depuis bientôt une heure. Son inquiétude est palpable. Une infirmière est accroupie près d’une jeune mère avec sa fillette qui présente de fortes douleurs. Les temps d’attente sont longs.
Depuis quelques années, les services d’urgence pédiatriques des hôpitaux suisses atteignent des records. Ils font en effet face à une augmentation constante du nombre de patients, un manque persistant de personnel et une pénurie de pédiatres par rapport à l’évolution démographique. Résultats ? Des salles d’attente remplies, des prises en charge qui se font désirer, une source de tension et de stress pour les parents et enfant et un personnel soignant mis à rude épreuve. Une situation tendue pour ces services d’urgence pédiatriques, qui monte encore d’un cran en soirée, là où les cabinets de pédiatrie sont fermés.
Un mélange de rires et de rêves
C’est dans ce contexte que cinq hôpitaux suisses (hôpitaux de Lausanne, Saint-Gall, Winterthour, Aarau et La Tour à Meyrin) peuvent désormais compter sur l’aide des docteurs Rêves. Mais qui sont ces mystérieux artistes, qui se remarquent par leur déguisement coloré et extravagant, de loin dans les salles d’attente ? Bien connue pour ces nombreuses interventions dans les services de pédiatries et les établissements spécialisés, la Fondation Théodora envoie désormais ses artistes, les docteurs Rêves, aux urgences, à travers son nouveau programme « Rêves d’urgence ».
Ce programme consiste en des visites du soir dans les urgences pédiatriques avec l’objectif de détendre l’atmosphère dans les salles d’attente. Ainsi, musique, tours de magie, bulles de savon et sens de l’improvisation sont d’autant de talents des docteurs Rêves mis à contribution pour transformer les moments d’angoisse et d’attente en des temps plus doux et joyeux, où les sourires se dessinent sur les visages des enfants... et des parents !
A la rencontre d'une docteure Rêves
Pour en savoir plus sur ce beau programme, nous sommes allés à la rencontre de Nathalie Dubath, alias dre Méli Mélo, qui exerce le métier de docteur Rêves depuis 1995. Entre douceur, rire et affection, cette femme nous a emportés avec elle dans son imaginaire. Interview.
pharmacieplus : Qu’est-ce que les urgences représentent pour les petits patients et leurs parents ?
Dre Méli Mélo : Les urgences, qu’elles soient pédiatriques ou pour adulte, ont un point en commun : l’attente. Une attente qui peut souvent être longue et pénible, encore plus aux horaires auxquels nous exerçons ce programme : le soir. C’est une période qui est propice à de l’agitation
mêlée à de la fatigue pour les enfants. Notre rôle est donc d’adoucir ces moments, pour eux, mais aussi pour leurs parents, en détournant l’attention des petits patients.
Est-ce qu’ils sont toujours réceptifs ?
Franchement : oui ! Je suis toujours bien accueillie, les patients et leurs parents voient que je suis là pour eux, et c’est positif. J’utilise une petite chaise pour me mettre à la même hauteur que les petits malades et j’adapte toujours mes interactions à chaque enfant, en fonction d’où il se situe (son âge, sa douleur, son intervention). Ce qui est génial avec les petits, et c’est universel, c’est qu’à partir du moment où ils n’ont plus mal, ils vont être pleinement dans le moment présent, ouverts et disponibles à ce qu’il se passe autour d’eux. Et dès que l’enfant a un partenaire de jeu, il va rentrer dans l’interaction et interpréter la réalité sous un mode ludique. Je vais par exemple m’adresser à son doudou, ou jouer avec le mien et le petit va jouer le jeu, il va être réceptif. Si en revanche, je vois que le patient a encore trop mal ou s’il est très fatigué, je vais simplement l’accompagner dans son attente avec une musique douce et l’envelopper dans une atmosphère bienfaisante.
Pouvez-vous me raconter une rencontre «Rêves d’urgence» qui vous a particulièrement marquée ?
J’ai rencontré une ado qui était accompagnée d’une dame, qui n’était pas sa maman, mais son éducatrice. Cette jeune fille, qui vivait dans un foyer, était arrivée aux urgences aux alentours des 20h. Initialement un peu sceptique quant à mon arrivée, elle s’est finalement complètement laissée porter par ma présence. Il se trouve qu’elle adorait chanter, et moi aussi. On a donc inventé une chanson de toutes pièces à 21h, et on l’a pratiquée longuement en cœur. Je leur ai également offert du thé à toutes les deux. Plus tard, je l’ai recroisée à l’extérieur de l’hôpital et elle s’est exclamée que ça avait été un super moment. Ça m’a beaucoup touchée.
Pourquoi avez-vous choisi de devenir docteure Rêves ?
Pour moi, être une docteure Rêves c’est aimer rencontrer des personnes, avoir du plaisir à aller les chercher, les comprendre. J’aime cet aspect décalé que m’offre mon métier, le mélange de l’humour, l’humain, l’empathie, mais aussi la créativité, le spectacle, la danse, le chant. J’ai toujours pratiqué des animations théâtrales pour les petits, cette profession m’a permis de réunir tous mes intérêts. J’ai aussi le sentiment que je suis l’adulte que j’aurais aimé rencontrer lorsque j’étais enfant, dans des moments plus compliqués.